TEMPS DU CARÊME
Le jeune du Carême (de quadragésime, quarantaine) commence le mercredi des Cendres, dure 40 jours et se termine le Samedi Saint à midi.
Saint Jérôme fait remarquer que ce nombre 40 est généralement celui de la peine, de l’affliction, de la pénitence. Les eaux du déluge tombèrent pendant 40 jours et 40 nuits ; Moïse et Elie se préparèrent à s’approcher de Dieu, le premier sur le Sinaï, le second sur l’Horeb par un jeûne de 40 jours ; en punition de leurs murmures, les Juifs errèrent pendant 40 ans dans le désert; enfin Notre-Seigneur voulut se soumettre aux rigueurs d’un jeûne de 40 jours pour nous donner un exemple à imiter.
A Rome, vers le VIIIe siècle, aux six semaines de jeûne qui précédaient Pâques (dimanches exceptés, ce qui donnait 36 jours) on ajouta les quatre derniers jours de la 7e semaine avant Pâques, pour parfaire le nombre de 40 jours de jeûne. Cette pratique est aujourd'hui universelle dans l’Église romaine, excepté dans l’Église de Milan qui a conservé l’ancien usage : son jeûne com mence le lundi de la Quadragésime et dure 36 jours.
C’est cette idée de sainte quarantaine de vie chrétienne plus intense, de retraite spirituelle, qui dominait, lorsque, à l’origine, le premier dimanche de cette quarantaine fut appelé Quadra gésime, c’est-à-dire 40e jour avant Pâques. Ce dimanche était bien le 40e jour, non pas avant le dimanche de la Résurrection, mais avant le vendredi de la mort du Sauveur, car au IIIe et au IVe siècles les fêtes pascales comprenaient, comme dit saint Augustin, « le très saint triduum du Sauveur crucifié, mis au tombeau et ressuscité ».
La Secrète du dimanche de la Quadragésime nous rappelle, en effet, qu’à l’origine, le mot sainte quarantaine s’appliquait au temps du Carême et non au nombre de jours de jeûne puisqu’on y lit : « Seigneur, nous immolons solennellement ce sacrifice au commencement du Carême... » De même, la récitation publique des Heures canoniales ne tient pas compte des quatre jours de jeûne qui précèdent ce premier dimanche du Carême, puisque les Vêpres continuent à se dire, jusqu’au samedi avant la Quadra gésime, à l’heure habituelle et non avant midi, comme en Carême.
Ce n’est pas d’un seul coup que les Messes stationnales furent établies à Rome pendant la sainte Quarantaine. Il n’y eut d’abord, outre la station du dimanche, que celles des mercredis et des vendredis, comme dans les Gaules ; puis on y ajouta le lundi. Ces trois féries sont les seules qui aient un Trait à la messe, et toujours le même : « Domine, non secundum... Seigneur ne nous traitez pas selon les péchés que nous avons commis... » Bientôt on ajouta une Messe le samedi, puis le mardi. Ce ne fut qu’au VIIe siècle que les jeudis eurent leur messe stationnale, parce que, jusque-là, le jeudi avait été le jour consacré à Jupiter (c’était le dimanche des païens) et il ne fallait pas, par une cérémonie religieuse, paraître s’associer à leur fête.
A Rome, la Messe stationnale, en Carême, se disait après None, à 3 heures du soir ; elle était suivie des Vêpres et ce n’était qu'après, vers le coucher du soleil qu’on rompait le jeûne. Plus tard, la Messe et les Vêpres furent avancées et le repas fut porté à 3 heures, vers le XIIIe siècle, et à midi, vers le XIVe siècle.
1° Dans les Évangiles, elle enseigne aux pécheurs qu’il n'y a de salut pour eux qu’en imitant le jeune de Notre-Seigneur, c’est-à- dire en faisant pénitence ; à tous, elle montre les heureux effets des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie.
Elle rappelle les principaux enseignements et les grands faits de la vie publique du Sauveur: son sermon sur la montagne; ses nombreuses instructions sur le jeûne, la charité, le pardon des injures ; ses paraboles de Lazare et du mauvais riche, des vignerons homicides, de I’Enfant prodigue ; ses guérisons du serviteur du centenier, de la fille de la Chananéenne, du paralytique de la piscine probatique, de l’aveugle-né ; ses miracles de la multiplication des pains, des vendeurs chassés du temple, de sa marche sur les eaux, de sa transfiguration ; ses résurrections du fils de la veuve de Naïm, de Lazare.
2° La Préface qu’elle fait lire jusqu’au dimanche de la Passion parle des avantages du jeûne qui réprime les vices et engendre les vertus.
3° Aux Vêpres, elle chante l’hymne Audi benigne et aux saluts, dans plusieurs diocèses, l'Attende ; ces deux chants répondent bien aux sentiments de pénitence et de prière qui caractérisent ce saint temps du Carême.
Autrefois les tribunaux suspendaient leurs travaux ; la chasse et la guerre étaient prohibées afin de consacrer le plus de temps possible à la prière et aux bonnes œuvres.
Les Grecs schismatiques poussent l’exagération jusqu’à prétendre que la communion sous les deux espèces est capable de rompre le jeûne. C’est pourquoi ils ne disent la Messe que le samedi et le dimanche, qui ne sont pas jours de jeûne. A la Messe du dimanche, le célébrant consacre six hosties, en consomme une et garde les cinq autres pour les jours suivants, où ils ont seulement, comme les Catholiques le Vendredi Saint, une Messe des présanctifiés.
Dimanches |
Noms tirés de l'Introït |
Évangile |
1er Quadragésime |
Invocabit |
Tentation de Jésus au désert. |
2e Dimanche |
Reminiscere |
Transfiguration de N.-S. |
3e Scrutins |
Oculi |
Jésus chasse un démon muet. |
4e Mediana Rose d’Or |
Lœtare |
Multiplication de cinq pains. |
5e Passion |
— |
Jésus accusé d’être blasphémateur et possédé. |
6e Rameaux Pâques fleuries |
— |
Entrée triomphale de N.-S. à Jésuralem. Passion selon saint Matthieu... |
Les jours les plus remarquables du temps du Carême sont : le mercredi des Cendres, le 4e dimanche, le dimanche de la Passion, le dimanche des Rameaux, et les trois derniers jours de la Semaine Sainte.
1. L’Église inaugure le temps du Carême par l'imposition des cendres qui se fait le mercredi de la semaine de la Quinquagésime, appelé pour ce motif mercredi des Cendres. A l'exemple des Ninivites qui firent pénitence sous la cendre et le cilice, l’Église veut ainsi, au début de la sainte quarantaine, humilier notre orgueil et nous rappeler la sentence de mort que nous devons subir à cause de nos péchés.
Les cendres, en effet, dans la Sainte Écriture sont l'emblème de l'humilité, de la pénitence et du néant de l'homme.
Avant la messe, le célébrant bénit solennellement des cendres qui proviennent ordinairement de la combustion des rameaux. Puis il impose les cendres sur la tonsure des clercs et sur le front des fidèles, en faisant un signe de croix et en prononçant les paroles que Dieu fit entendre à Adam après son péché : "Souviens toi, homme, que tu es poussière et que tu retourneras poussière."
Nous devons recevoir les cendres dans des sentiments d'humilité et de contrition pour expier les péchés que l'orgueil nous a fait commettre.
Les formules de la Messe qui suit sont bien la conclusion de la cérémonie des cendres puisqu'elle parlent de craintes à cause de nos péchés, mais aussi de confiance dans le pardon si nous sommes résolus à faire une sincère pénitence.
2. Cette cérémonie des cendres rappelle celle qui avait lieu autrefois en ce même jour pour les pécheurs condamnés à la pénitence publique.
Au moyen age, en effet, ceux qui s’étaient rendus coupables d'une faute grave et scandaleuse devaient en faire une pénitence publique.
Le premier jour du Carême, ils se présentaient à la porte de la cathédrale, couverts d'un sac, pieds nu et avec toutes les marques d'un cœur repentant. L'évêque, suivis du clergé, les faisait entrer dans l'église où ils se prosternaient ; puis il bénissait les cilices qu'ils devraient porter pendant la sainte Quarantaine. On chantait sur eux les sept psaumes de la pénitence, on les aspergeait et on couvrait leur tête de cendres bénites. Ils étaient ensuite conduits hors de l'église, au chant des paroles de la Genèse par lesquelles le Seigneur chassa nos premiers parents du Paradis terrestre. A partir de ce moment, ils étaient exclus des assemblées des fidèles jusqu'au Jeudi Saint qui était le jour marqué pour leur confession et leur absolution sacramentelles.
La cérémonie des cendres fut ainsi réservée d'abord aux pécheurs publics. Dans la suite, de pieux fidèles, par humilité, se mêlèrent aux pécheurs publics pour les encourager en participant à leur pénitence.
Enfin, vers la fin du XIeme siècle, lorsque la pénitence publique devint plus rare, par suite du ralentissement de la ferveur, l’Église prescrivit l'imposition des cendres à tout les fidèles, et même aux clercs, comme cela se pratique aujourd'hui. Cependant, l'imposition des cendres aux pécheurs public persista, dans quelques diocèses jusqu'au XVIIIeme siècle.
A l'origine, pour se préparer à la cérémonie des Cendres, les fidèles avaient l'habitude de se confesser la veille : de là vient que le mardi gras porte encore, en anglais, le nom de "mardi de la confession" (shrove tuesday).